Objet d'étude - Théâtre du 17ème siècle, étude d'une oeuvre complète

 

 

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Isabelle Adjani et Bernard Blier dans l'EdF

 

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Pierre arditi et Agnès Sourdillon

 

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Ecouter Louis Jouvet
Brève histoire du théâtre
Une page de prof à propos de l'Edf

 

L'école des femmes : amour comique ? passion tragique ?

 

Extrait n°1- Acte I, sc 1

Arnolphe - Je sais les tours rusés et les subtiles trames
Dont pour nous en planter savent user les femmes,
Et comme on est dupé par leurs dextérités.
Contre cet accident j’ai pris mes sûretés ;
Et celle que j’épouse a toute l’innocence
Qui peut sauver mon front de maligne influence.
Chrysalde -Et que prétendez-vous qu’une sotte, en un mot...
Arnolphe -Épouser une sotte est pour n’être point sot.
Je crois, en bon chrétien, votre moitié fort sage ;
Mais une femme habile est un mauvais présage ;
Et je sais ce qu’il coûte à de certaines gens
Pour avoir pris les leurs avec trop de talents.
Moi, j’irais me charger d’une spirituelle
Qui ne parlerait rien que cercle et que ruelle,
Qui de prose et de vers ferait de doux écrits,
Et que visiteraient marquis et beaux esprits,
Tandis que, sous le nom du mari de Madame,
Je serais comme un saint que pas un ne réclame ?
Non, non, je ne veux point d’un esprit qui soit haut ;
Et femme qui compose en sait plus qu’il ne faut.
Je prétends que la mienne, en clartés peu sublime,
Même ne sache pas ce que c’est qu’une rime ;
Et s’il faut qu’avec elle on joue au corbillon
Et qu’on vienne à lui dire à son tour : « Qu’y met-on ? »
Je veux qu’elle réponde : « Une tarte à la crème » ;
En un mot, qu’elle soit d’une ignorance extrême ;
Et c’est assez pour elle, à vous en bien parler,
De savoir prier Dieu, m’aimer, coudre et filer.
Chrysalde -Une femme stupide est donc votre marotte ?
Arnolphe -Tant, que j’aimerais mieux une laide bien sotte
Qu’une femme fort belle avec beaucoup d’esprit.
Chrysalde -L’esprit et la beauté...
Arnolphe -L’honnêteté suffit.
Chrysalde -Mais comment voulez-vous, après tout, qu’une bête
Puisse jamais savoir ce que c’est qu’être honnête ?
Outre qu’il est assez ennuyeux, que je croi,
D’avoir toute sa vie une bête avec soi,
Pensez-vous le bien prendre, et que sur votre idée
La sûreté d’un front puisse être bien fondée ?
Une femme d’esprit peut trahir son devoir ;
Mais il faut pour le moins qu’elle ose le vouloir ;
Et la stupide au sien peut manquer d’ordinaire,
Sans en avoir l’envie et sans penser le faire.

 

Extrait n°2 - ACTE II, SCENE 5

Arnolphe - Peut-être. Mais enfin contez-moi cette histoire.
Agnès - Elle est fort étonnante, et difficile à croire.
J’étais sur le balcon à travailler au frais,
Lorsque je vis passer sous les arbres d’auprès
Un jeune homme bien fait, qui rencontrant ma vue,
D’une humble révérence aussitôt me salue :
Moi, pour ne point manquer à la civilité,
Je fis la révérence aussi de mon côté.
Soudain il me refait une autre révérence :
Moi, j’en refais de même une autre en diligence ;
Et lui d’une troisième aussitôt repartant,
D’une troisième aussi j’y repars à l’instant.
Il passe, vient, repasse, et toujours de plus belle
Me fait à chaque fois révérence nouvelle ;
Et moi, qui tous ces tours fixement regardois,
Nouvelle révérence aussi je lui rendois :
Tant que, si sur ce point la nuit ne fût venue,
Toujours comme cela je me serais tenue,
Ne voulant point céder, et recevoir l’ennui
Qu’il me pût estimer moins civile que lui.
Arnolphe - Fort bien.
Agnès - Le lendemain, étant sur notre porte,
Une vieille m’aborde, en parlant de la sorte :
« Mon enfant, le bon Dieu puisse-t-il vous bénir,
Et dans tous vos attraits longtemps vous maintenir !
Il ne vous a pas faite une belle personne
Afin de mal user des choses qu’il vous donne ;
Et vous devez savoir que vous avez blessé
Un cœur qui de s’en plaindre est aujourd’hui forcé. »
Arnolphe, à part.
Ah ! suppôt de Satan ! exécrable damnée !
Agnès - « Moi, j’ai blessé quelqu’un ! fis-je toute étonnée.
— Oui, dit-elle, blessé, mais blessé tout de bon ;
Et c’est l’homme qu’hier vous vîtes du balcon.
— Hélas ! qui pourrait, dis-je, en avoir été cause ?
Sur lui, sans y penser, fis-je choir quelque chose ?
— Non, dit-elle, vos yeux ont fait ce coup fatal,
Et c’est de leurs regards qu’est venu tout son mal.
— Hé ! mon Dieu ! ma surprise est, fis-je, sans seconde :
Mes yeux ont-ils du mal, pour en donner au monde ?
— Oui, fit-elle, vos yeux, pour causer le trépas,
Ma fille, ont un venin que vous ne savez pas.
En un mot, il languit, le pauvre misérable ;
Et s’il faut, poursuivit la vieille charitable,
Que votre cruauté lui refuse un secours,
C’est un homme à porter en terre dans deux jours.
— Mon Dieu ! j’en aurais, dis-je, une douleur bien grande.
Mais pour le secourir qu’est-ce qu’il me demande ?
— Mon enfant, me dit-elle, il ne veut obtenir
Que le bien de vous voir et vous entretenir :
Vos yeux peuvent eux seuls empêcher sa ruine
Et du mal qu’ils ont fait être la médecine.
— Hélas ! volontiers, dis-je ; et puisqu’il est ainsi,
Il peut, tant qu’il voudra, me venir voir ici. »
Arnolphe, à part.
Ah ! sorcière maudite, empoisonneuse d’âmes,
Puisse l’enfer payer tes charitables trames !
Agnès - Voilà comme il me vit, et reçut guérison.
Vous-même, à votre avis, n’ai-je pas eu raison ?
Et pouvois-je, après tout, avoir la conscience
De le laisser mourir faute d’une assistance,
Moi qui compatis tant aux gens qu’on fait souffrir
Et ne puis, sans pleurer, voir un poulet mourir ?
Arnolphe, bas.
Tout cela n’est parti que d’une âme innocente ;
Et j’en dois accuser mon absence imprudente,
Qui sans guide a laissé cette bonté de mœurs
Exposée aux aguets des rusés séducteurs.
Je crains que le pendard, dans ses vœux téméraires,
Un peu plus fort que jeu n’ait poussé les affaires.
Agnès - Qu’avez-vous ? Vous grondez, ce me semble, un petit ?
Est-ce que c’est mal fait ce que je vous ai dit ?
Arnolphe - Non. Mais de cette vue apprenez-moi les suites,
Et comme le jeune homme a passé ses visites.
Agnès - Hélas ! si vous saviez comme il était ravi,
Comme il perdit son mal sitôt que je le vi,
Le présent qu’il m’a fait d’une belle cassette,
Et l’argent qu’en ont eu notre Alain et Georgette,
Vous l’aimeriez sans doute et diriez comme nous...
Arnolphe - Oui. Mais que faisait-il étant seul avec vous ?
Agnès - Il jurait qu’il m’aimait d’une amour sans seconde,
Et me disait des mots les plus gentils du monde,
Des choses que jamais rien ne peut égaler,
Et dont, toutes les fois que je l’entends parler,
La douceur me chatouille et là dedans remue
Certain je ne sais quoi dont je suis toute émue.
Arnolphe, à part.
Ô fâcheux examen d’un mystère fatal,
Où l’examinateur souffre seul tout le mal !
(À Agnès.)
Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,
Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses ?
Agnès - Oh tant ! Il me prenait et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n’était jamais las.
Arnolphe - Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?
(La voyant interdite.)
Ouf !
Agnès - Hé ! il m’a...
Arnolphe - Quoi ?
Agnès - Pris...
Arnolphe - Euh !
Agnès - Le...
Arnolphe - Plaît-il ?
Agnès - Je n’ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.
Arnolphe - Non.
Agnès - Si fait.
Arnolphe - Mon Dieu, non !
Agnès - Jurez donc votre foi.
Arnolphe - Ma foi, soit.
Agnès - Il m’a pris... Vous serez en colère.
Arnolphe - Non.
Agnès - Si.
Arnolphe - Non, non, non, non. Diantre, que de mystère !
Qu’est-ce qu’il vous a pris ?
Agnès - Il...
Arnolphe, à part.
Je souffre en damné.
Agnès - Il m’a pris le ruban que vous m’aviez donné.
À vous dire le vrai, je n’ai pu m’en défendre.
Arnolphe, reprenant haleine.
Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre
S’il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.
Agnès - Comment ? est-ce qu’on fait d’autres choses ?
Arnolphe - Non pas.
Mais pour guérir du mal qu’il dit qui le possède,
N’a-t-il point exigé de vous d’autre remède ?
Agnès - Non. Vous pouvez juger, s’il en eût demandé,
Que pour le secourir j’aurais tout accordé.

 

Extrait n°3- Acte IV, scène 1

Arnolphe.
J’ai peine, je l’avoue, à demeurer en place,
Et de mille soucis mon esprit s’embarrasse,
Pour pouvoir mettre un ordre et dedans et dehors
Qui du godelureau rompe tous les efforts.
De quel œil la traîtresse a soutenu ma vue !
De tout ce qu’elle a fait elle n’est point émue ;
Et bien qu’elle me mette à deux doigts du trépas,
On dirait, à la voir, qu’elle n’y touche pas.
Plus en la regardant je la voyais tranquille,
Plus je sentais en moi s’échauffer une bile ;
Et ces bouillants transports dont s’enflammait mon cœur
Y semblaient redoubler mon amoureuse ardeur ;
J’étais aigri, fâché, désespéré contre elle :
Et cependant jamais je ne la vis si belle,
Jamais ses yeux aux miens n’ont paru si perçants,
Jamais je n’eus pour eux des désirs si pressants ;
Et je sens là dedans qu’il faudra que je crève
Si de mon triste sort la disgrâce s’achève.
Quoi ? j’aurai dirigé son éducation
Avec tant de tendresse et de précaution,
Je l’aurai fait passer chez moi dès son enfance,

Et j’en aurai chéri la plus tendre espérance,
Mon cœur aura bâti sur ses attraits naissants
Et cru la mitonner pour moi durant treize ans,
Afin qu’un jeune fou dont elle s’amourache
Me la vienne enlever jusque sur la moustache,
Lorsqu’elle est avec moi mariée à demi !
Non, parbleu ! non, parbleu ! Petit sot, mon ami,
Vous aurez beau tourner : ou j’y perdrai mes peines,
Ou je rendrai, ma foi, vos espérances vaines,
Et de moi tout à fait vous ne vous rirez point.

 

Extrait n°4- LE DENOUEMENT, ACTE V, SCENE 9 (dans le livre)

Travail préparatoire - Situez le passage et expliquez les liens entre les nouveaux personnages et les autres.