Analyser un début de roman

Chaque roman ou chaque nouvelle permet de pénétrer dans un monde qui n'est pas le nôtre, même s'il y ressemble parfois de façon criante (ou même s'il s'y efforce). Pour que le passage se fasse "en douceur", il est nécessaire pour l'auteur de créer une passerelle facilitant cette entrée. Suivant la longueur du texte, il peut y consacrer quelques lignes ("Il était une fois, dans un pays lointain..." => temps et lieu sont ici posés en quelques mots) ou quelques chapitres. Mais il faut bien avoir conscience de cette nécessité et l'utiliser à bon escient dans une analyse de texte.

Le terme ''incipit '' vient du verbe latin incipire= commencer. L'incipit sert à désigner le début d'un roman.

Plusieurs types d'entrée sont traditionnellement discernés. On peut ainsi avoir affaire à un incipit de type :
* dramatique : à une époque et dans un lieu donné, quelqu’un…
* type discursif : la narrateur s’adresse au lecteur.
* type descriptif : le texte s’ouvre sur une description ou un portrait.

Mais chaque fois, un certain nombre d'informations doivent apparaître (qui guideront votre commentaire si vous tombez sur un incipit le jour d'une épreuve ;-) :
* Qui :
- le personnage => est-il immédiatement identifiable ? D'autres parlent-ils de lui ? Des fausses pistes s'ouvrent-elles ?
- le narrateur : est-il personnage du roman ou non ?

* Où : Quel type d’espace romanesque ? Réaliste, fantastique, symbolique ?
* Quand ?
- Le temps du calendrier : une date
- Le temps de l’Histoire : une époque
- le temps du roman : une saison, un moment du jour…

Quelques modèles types, souvent faciles à repérer, permettent de voir comment le récit s’inscrit dans une tradition ou – au contraire – parvient à faire preuve d’originalité :
* topos de l’inconnu : un personnage dont on perce peu à peu l’anonymat
* topos du novice : un personnage placé dans un milieu qu’il ne connaît pas
* topos de la rencontre : un novice rencontre un personnage « qui sait », qui peut l’initier.

Quelques fonctions possibles de l'incipit :

- une valeur d'annonce , qui définit le genre du roman (roman épistolaire, roman réaliste...) et les choix de narration (point de vue, vocabulaire, registre de langue...) de l'auteur.

- évidemment, accrocher le lecteur, le séduire, susciter sa curiosité (combien d'entre vous ont décroché dès les 1ères pages d'un roman). De nombreux procédés sont possibles : imprévisibilité du récit, interpellation du lecteur, la confrontation de celui-ci à une énigme, dialogue brutal sans que les personnages aient été identifiés, retour en arrière....

- créer un monde fictif (qui peut également être réaliste !) en donnant des informations sur les personnages, le lieu, le temps (Où? Quand? Qui? Quoi? Comment? Pourquoi?).


- permettre au lecteur de rentrer dans l'histoire en présentant un événement important, ou une scène secondaire qui va éclairer certains aspects de l'intrigue etc.


On distingue 4 formes d'incipit :

L'incipit dit ''statique'' : très fréquent dans les romans réalistes de Balzac par exemple, il est très informatif. Il décrit avec une très grande précision le décor de l'histoire, les personnages mais aussi le contexte historique, social, polotique et économique de l'action. La multitude de détails suspend l'action et met le lecteur en état d'attente.

L'incipit dit ''progressif'' : il distille petit à petit des informations mais ne répond pas à toutes les questions que peut se poser le lecteur.

L'incipit dit ''dynamique'' ou encore in médias res : il jette le lecteur dans une histoire qui a déjà commencée, sans explication préalable sur la situation, les personnages, le lieu et le moment de l'action. Héritée du genre épique, cette technique à l'effet dramatique immédiat est surtout utilisée dans les les romans du XXème siècle. L'incipit dit ''suspensif'' : il donne peu d'informations et cherche à dérouter le lecteur.